Bonsoir à tous,
En ce moment j'ai plus de temps après le boulot pour traîner un peu sur les quais et dans les tramways, donc je prends mon temps. Et c'est après de longues minutes à observer les gens que je finis par me décider et me lancer.
Je vous présente Eric, 35 ans.
Dans la vie Eric est dans le milieu du bâtiment : " Je suis échafaudeur. Je monte et démonte des échafaudages pour les ouvriers : couvreurs, ravaleurs, etc. Peu importe la hauteur, on monte et démonte et le plus haut échafaudage que j'ai monté c'est 54 étages pour un château d'eau à Orléans. Si j'aime mon job ? Disons que pour le moment ça va. C'est un métier dur très physiquement, on porte des charges lourdes tout le temps et j'ai l'âge qui avance ; je sais que je ne pourrai pas faire ça toute ma vie. De plus, c'est un métier où l'on est très souvent en déplacement, donc pour la vie de famille c'est bof ! Mais ça me permet de vivre correctement, je ne suis pas dans le besoin et m'estime donc heureux. Je pense essayer de me réorienter en suivant une formation, mais il faut que je réfléchisse encore pour savoir vers quoi je me dirige : peut-être la mécanique. "
Je lui demande de m'apprendre un truc sur son métier ?
" Il faut toujours être en binôme, on ne peut pas être seul pour monter les charges. On a bien des poulies et des treuils mais tout seul ce n'est pas possible ! Il faut donc bien s'entendre avec son collègue. (rires)
Et puis on monte des échafaudages pour des façades, des tours d'esclaiers, des volets d'escalade pour les ingénieurs qui vont sur les chantiers et des podiums : ce n'est pas toujours la même chose.
Une qualité pour faire mon job ? Il faut être courageux et c'est un métier qui s'apprend sur le tas. "
Il aime le foot - il supporte Marseille et le Réal de Madrid, le sport en général, les soirées avec les copains, la nature, les balades à la mer ou dans les parcs, les voyages : " Et passer du temps avec ma famille et ma femme. "
Il n'aime pas l'hypocrisie, les huîtres : " Et le système camerounais. Je suis camerounais d'origine et je ne comprends pas comment c'est possible que je ne connaisse qu'un seul président : plus de 35 ans au pouvoir. Ce n'est pas ça la démocratie pour moi ! "
Es-tu heureux aujourd'hui ?
" A moitié ! La vie ne me rend pas tout à fait heureux ... Je vais tout te raconter. Tu sais j'étais en couple avec une femme et nous avions décidé d'avoir un enfant. Malheureusement pour nous, il nous a quitté au bout de 9 mois ... J'ai beaucoup souffert de la perte de mon enfant. Maintenant, je ne suis plus avec ma compagne et je suis de nouveau avec quelqu'un et nous attendons des jumeaux ou jumelles, et je suis triste de savoir qu'ils ne se connaîtront jamais, qu'ils ne jouerons jamais ensemble.
- Tu sais Eric, je ne raconterai pas ça sur le blog ça reste entre nous.
- Non vas-y marque-le, je suis heureux que ça sorte aujourd'hui, j'ai trop gardé ma peine pour moi et je suis soulagé d'en parler enfin à quelqu'un : ça me fait du bien ! "
Une personne qui t'a marqué ou t'influence encore aujourd'hui ?
" Mon papa : Paul. Il m'a éduqué, transmis des valeurs de force et de courage et comme ont dit chez nous au Cameroun : Il faut consommer le fruit de tes efforts. Malheureusement pour moi, il est décédé il y a 15 ans. "
Le mot de la fin ?
" Merci d'avoir échangé avec moi, c'était une superbe rencontre. "
Merci à toi Eric de t'être confié et je suis ravi que tu ai vécu cette interview comme un exutoire ... J'espère que ta peine se soulagera avec le temps. En tout cas je suis très heureux de t'avoir rencontré aujourd'hui.
A.
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