Tout commence par une idée, une envie.
Pour moi, tout est parti de la photographie. Une révélation, presque un accident. L’un de mes meilleurs amis est arrivé un jour chez moi avec son reflex. J’ai été scotché par la qualité des images qu’il obtenait en une simple prise de vue. Comme un gosse devant un nouveau jouet, j’ai immédiatement voulu le mien.
Mais les reflex ne sont pas donnés, et il m’a fallu patienter. Pendant plusieurs années, j’ai exploré le monde de la photo en feuilletant des magazines, en parcourant des blogs et en découvrant des photographes qui m’ont inspiré. Plus je m’y plongeais, plus je cherchais un style, une signature qui me ressemblerait. Peut-être un héritage de mon passé de graffeur, où avoir sa propre patte est essentiel.
Puis l’idée a germé. J’aimais le portrait, mais je voulais aller plus loin. Photographier des inconnus dans la rue, c’était intéressant, mais quel était le message ? Quel était le sens ? Faire une belle photo, c’est bien, mais raconter une histoire, c’est mieux.
Un jour, un souvenir est remonté à la surface : un reportage vu sur France 2. Il racontait le parcours d’une jeune femme sillonnant le métro parisien à la recherche d’inconnus à photographier. À l’époque, je n’y avais pas prêté plus d’attention, mais cette idée a refait surface au bon moment. J’ai cherché son travail, analysé son approche… et c’est devenu une évidence.
Je voulais faire la même chose, mais différemment. À Nantes. Dans le tramway.
L’idée m’a obsédé pendant un an. Comment me démarquer ? Comment ancrer ce projet dans ma ville, lui donner une couleur locale qui parlerait aux Nantais ? Peu importe si le concept n’était pas encore parfaitement abouti, il fallait que je me lance.
L’été est passé, je suis fin prêt :
On verra bien lundi comment je m’en sors.
Ce lundi-là, je suis monté dans le tram, j’ai brisé la glace… et L’Inconnu du Tramway est né.
Aujourd’hui, 12 ans ont passé. Des centaines de visages, d’histoires, de rencontres. L’énergie des débuts a laissé place à un rythme plus posé, mais l’envie est toujours là. Parce que ce projet, c’est avant tout une curiosité inlassable pour l’autre, une envie de capturer des fragments de vie, des confidences partagées entre deux stations. Parce que derrière chaque inconnu se cache une histoire qui mérite d’être racontée.
Je repense à tous ces regards croisés, à ces instants suspendus. À Fatou, qui m’a parlé de son combat pour un avenir meilleur. À Louis, ce gamin passionné de fusées, persuadé qu’un jour, il mettra les pieds sur Mars. À Émilie, qui s’accrochait à ses rêves malgré les galères du quotidien. À Ahmed, qui m’a rappelé que le bonheur, c’est souvent juste une question de perspective.
Chacun d’eux, et tant d’autres encore, me rappellent pourquoi je continue. Pourquoi l’Humain est essentiel, surtout dans un monde qui, trop souvent, cherche à nous diviser. Ces rencontres, ces instants de vérité échangés entre deux arrêts, sont ma manière de résister. De prouver que la curiosité pour l’autre n’a rien perdu de sa valeur.
Alors oui, le rythme est différent aujourd’hui. Mais l’envie reste intacte. Parce qu’aussi longtemps qu’il y aura des inconnus dans le tramway, il y aura des histoires à raconter.
A.