Bonsoir à tous,
Je m’étais installé dans le tram, un peu fatigué de ma journée, en me disant que peut-être quelqu’un viendrait s’asseoir en face de moi. C’est exactement ce qui s’est passé. Iryna s’est installée, et j’ai tenté une approche.
Elle a d’abord eu un moment d’hésitation. Elle me dit qu’elle parle mal français et pour être honnête, elle se débrouille bien mieux qu’elle ne le pense. Je lui montre le site de l'inconnu du tramway pour la rassurer : elle accepte.
Je vous présente Iryna, 39 ans.
— " Je suis ukrainienne. En France depuis six ans. "
Dans la vie Iryna cherche un travail, mais c’est compliqué.
— " Je suis cuisinière de formation, en Ukraine j'étais déjà cuisinière mais pas de diplôme français, et on me reproche un français... pas assez bon. "
Elle garde ses deux enfants et tente de trouver du travail depuis un an, en vain. Ici, ce passé professionnel ne vaut pas grand-chose sans équivalence, sans reconnaissance pourtant je postule régulièrement mais rien ... Mais je ne baisse pas les bras !
Je lui demande pourquoi elle est venue à Nantes. Elle m’explique que la famille du père de son fils était ici. Ils ont décidé de quitter l’Ukraine, en partie pour ça, mais aussi à cause d’un contexte plus lourd.
— " Mon fils est métis. Là-bas, il y avait du racisme. C’était dangereux pour lui. "
Elle n’en dira pas plus, et je n’ai pas cherché à creuser. Ce n’est pas le but. L’essentiel, c’est qu’ils sont là, et qu’ils essayent de se reconstruire.
Le papa de son fils est décédé. À leur arrivée, ils ont été logés dans un HLM à Cholet. Aujourd’hui, ils vivent à Nantes, plus proches des grands-parents.
Elle me parle aussi de l’Ukraine. De sa famille restée là-bas.
— " Je suis arrivée avant la guerre, mais depuis 2022… c’est un stress permanent. Ma famille est à Kiev. Ils me manquent beaucoup. Et comme j'ai l'asile politique je ne peut pas y retourner c'est un déchirement mais je n'avais pas le choix. "
Malgré tout ça, Iryna garde la tête haute.
— " Je suis triste, oui. Pour ma famille, pour la guerre, pour la situation. Mais je fais tout pour que mes enfants ne s’en rendent pas compte. Je souris ... Je ne doit pas craquer pour eux. "
Je lui demande si elle est heureuse.
— " Pas totalement. Il me manque un travail. Et un peu plus d’argent. Le RSA, c’est pas assez. Et j'ai un ado, il veut des choses que je ne peux lui offrir … c’est dur. "
Mis à part son histoire douloureuse, Iryna aime ? La musique, danser, marcher, aller voir la mer.
Elle n’aime pas ? Le piment. Et surtout, la fumée de cigarette quand quelqu’un fume juste à côté d’elle à un arrêt de bus ou de tramway : " Comme s'il ne pouvait pas faire quelques mètres de plus pour ne gêner personne ! "
Avant de descendre, je lui demande un mot de la fin. Elle sourit.
— " Merci à vous. C’était une bonne expérience. "
Je suis resté scotché. Cette rencontre m’a bouleversé. Par sa sincérité, sa pudeur, sa force. Il y a des jours comme ça, où les gens se livrent. Et moi, je reste là, un peu sonné. Le cœur un peu plus grand qu’avant.
Je te souhaites bonne chance pour la suite Iryna, j'espère que nous nous recroiserons un de ces jours.
A.