Bonsoir à tous,
La semaine dernière, j’ai changé mes habitudes. J’avais envie et besoin de prendre un peu plus de temps dans le tramway, alors je suis retourné sur la ligne 1. C’est ainsi que je me retrouve à observer ces inconnus sur le quai, me demandant si je vais monter dans l’une des rames qui approchent.
Le nouveau tramway, dont j’avais été invité à l’inauguration l’année dernière, arrive. Je décide de tenter l’expérience, quitte à descendre à l’arrêt suivant. En remontant la rame, j’aperçois un homme seul, de dos. Je décide de l’aborder.
Sa première réaction me surprend :
— Je dois payer quelque chose ?
Sa question me fait sourire. L’échange commence, et il finit par accepter la discussion.
Je vous présente Loïc, 32 ans.
Dans la vie, Loïc est chargé de formalités pour les entreprises :
— Je travaille pour la chambre de commerce et d’industrie. J’accompagne les entreprises dans leur création, la gestion des ressources humaines et les démarches administratives dont elles peuvent avoir besoin. C’est un métier humain et très intéressant.
— Tu fais ça depuis longtemps ?
— En 2018, je suis entré à la CCI sur un autre poste, lié au droit à l’apprentissage. Puis, en 2020, je suis devenu chargé de formalités. À la base, je faisais de l’intérim, mais l’opportunité d’un CDI s’est présentée, et je n’ai pas pu refuser. Si ça me plaît ? Oui ! Clairement, le côté humain me passionne. Mais je ne tiens pas en place, et je commence à avoir fait le tour du poste. J’aimerais évoluer, prendre de nouvelles responsabilités, relever de nouveaux défis. Mais tous les matins, je vais au travail avec le sourire, car côtoyer l’humain, c’est enrichissant.

Je lui demande alors de m’apprendre quelque chose sur son métier. Loïc réfléchit, mais il est tôt, 7h du matin, et l’inspiration ne vient pas. Je lui souffle quelques pistes : une anecdote, un logiciel, un terme entrepreneurial ?
— SIREN ?
— SIRET, je connais, mais c’est vrai que je n’ai jamais cherché à comprendre la différence avec le SIREN, haha.
Petite leçon express :
Le SIREN (Système d’Identification du Répertoire des ENtreprises) est le numéro d’identification unique des entreprises. Il englobe le SIRET, qui, lui, comprend aussi un NIC (Numéro Interne de Classement).
(Je me suis dit qu’un schéma serait plus parlant, hahaha.)
Nous avons du temps. La ligne 1 est longue, et, par chance, plusieurs arrêts restent avant que Loïc ne descende. Je lui demande alors de me parler de son parcours.
— J’ai un parcours atypique ! Je suis né au Congo et arrivé en France à 12 ans. J’ai fait sport-études en football et joué à Liège, au Luxembourg, à Saint-Malo, puis à Rennes… J’avais un bon niveau, je n’étais pas Messi ou Ronaldo, mais assez pour espérer devenir professionnel. C’était mon rêve.
Malheureusement, comme pour beaucoup de jeunes, une blessure a tout arrêté :
— Ma cheville a lâché. J’ai dû songer à une réorientation. Je suis alors entré en Bac Pro Maintenance Industrielle. Mais après avoir cru à une carrière dans le foot, porter un bleu de travail a été compliqué pour moi… Aujourd’hui, j’ai honte d’avoir ressenti ce complexe.
Il échoue au bac. Un échec qu’il ne digère pas. Pourtant, il persévère et se lance en alternance dans un BTS MUC (Commerce), avec un double objectif : repasser son bac pro et obtenir son permis.
— Mon plus beau challenge réussi ! Ensuite, j’ai enchaîné avec un Master 1 en commerce international.
Mais au-delà de son métier, Loïc a d’autres passions.
Il aime voyager (ses derniers voyages : Lisbonne, Cape Town, et un retour au Congo pour voir sa famille à Kinshasa), le sport (son travail étant sédentaire, il a besoin d’aller à la salle pour faire du cardio), et…
— J’aime le vin et la charcuterie… d’où le sport aussi, pour éliminer ! (rires)
Ce qu’il n’aime pas ?
— L’hypocrisie, la méchanceté. Je préfère un discours franc, même s’il peut bousculer, plutôt que des non-dits.
Es-tu heureux aujourd’hui ?
— C’est difficile à dire. Disons que j’y tends, mais qu’actuellement, je suis bien. J’ai des objectifs : devenir père, ne plus travailler à 45 ans (rires)… Mais là, tout de suite, j’ai la santé, une compagne, un boulot qui me plaît… Donc oui, je suis bien.
Le mot de la fin ?
— ÉTONNANT !
Pourquoi ?
— Pour être honnête, je ne prends jamais le tramway. Là, il est tôt, je vais juste chercher ma voiture au garage avant d’aller au travail. Mais ton projet m’interpelle, il remet en question mes a priori sur les transports en commun. D’habitude, tout le monde est sur son téléphone… Et là, tu viens me parler, on échange, ça me surprend, et je trouve ça plaisant. C’est une belle coïncidence et une expérience enrichissante : parler avec un inconnu.
Merci, Loïc ! C’était cool d’échanger avec toi. Au plaisir de se recroiser un jour dans le tramway.
A.