Bonsoir à tous,
Ce matin-là, j’ai essuyé un nouveau refus à Rezé. Une personne que j’avais apparemment déjà abordée il y a longtemps. Elle a de nouveau décliné. Je lui ai souhaité, en riant, que la troisième fois soit la bonne. Elle a rigolé aussi. C’est déjà ça.
Je monte dans le tram, sans grande conviction. Je tente deux ou trois approches, sans succès. Et puis je recroise Steve. Encore lui. Troisième fois qu’on se croise ces derniers temps. Et encore une fois, j’oublie de prendre une photo. On papote un peu. Je lui dis que je vais finir sur la ligne 1, tenter ma chance une dernière fois.
Je monte dans la rame. Je repère quelqu’un. Une présence. Mais je n’ose pas. Il y a du monde autour. Et puis la rame se vide. Elle est toujours là. Alors je me lance.
Elle accepte.
Voici Emma, 29 ans.
Dans la vie, Emma est fleuriste.
— " Ça fait 13 ans que je fais ça. C’est un rêve de gosse que j’ai réalisé. "
Elle me raconte qu’elle a ouvert sa boutique à seulement 19 ans.
— " Et pas de chance, le Covid a tout balayé car j'ai ouvert quelques semaines avant. J’ai dû fermer ma boutique 3 ans plus tard ... à 22 ans. J'ai d'abord accusé le coup, j'ai trouvé ça injuste mais c'est une expérience tellement enrichissante et cet échec fait parti de moi et fait ce que je suis aujourd'hui."
Depuis, elle enchaîne. Des remplacements, des CDD, ou parfois complètement autre chose.
— « J’ai vendu des meubles, j’ai été cariste, j’ai bossé en restauration… Faut bien bosser. Mais j’ai pas envie de me poser pour l’instant. Je recréerai peut-être une boîte un jour, mais sûrement pas en fleurs. C'est bouché, les gens achètent moins de fleurs et puis il y aussi les grandes enseignes ou la grande distribution qui permet de tirer les prix vers le bas. C'est un métier magnifique mais qui, celon moi, n'a plus trop d'avenir. »
Son objectif du moment : mettre de l’argent de côté.
— " J’aimerais m’acheter un camion et vivre en nomade. Juste ça. Prendre la route. "
Je lui demande ce qu’elle aime dans son métier.
— " La créativité. C’est la base. Si t’es pas créatif, t’es foutu." (rires)
Je lui demande de m'apprendre quelque chose sur son métier ?
— " On vrille les tiges du bouquet pour que l’eau monte jusqu’en haut. Sinon la fleur s’abîme trop vite. Ma fleur préférée ? La pivoine sans hésitation ! "
Sa fleur préférée : la pivoine.
Hier, le 27 mai, c’était son dernier jour dans une boutique à Saint-Herblain. Elle ne sait pas ce qu’elle fera ensuite, mais elle envisage surement les vendanges. Toujours rester près des plantes.
En dehors du boulot, elle aime la broderie, la mode, la photo. Elle photographie des paysages, surtout. Les portraits, très peu pour elle.
— " Je laisse ça aux autres ! A toi ! " (rires)
Elle a voyagé un peu. Son dernier voyage, c’était en Espagne.
— " C’est pas loin, mais au moins y’avait du soleil. "
Ce qu’elle n’aime pas ? Les petits pois. Et l’attitude de certains clients.
— " Les gens sont de moins en moins aimables. Ils ont bien compris que ‘le client est roi’ et ils abusent. C’est souvent des remarques pas cool, des exigences absurdes. "
Je lui demande si elle se sent heureuse aujourd’hui.
— " Oui. Franchement, je suis bien dans ma vie. Je me rends compte que j’ai de la chance. Quand tu regardes autour de toi, faut apprendre à apprécier ce que t’as. "
Et si elle devait remercier quelqu’un ?
— " Mes parents. Pour les valeurs et l'éducation qu’ils m’ont transmises. "
Son mot de la fin :
« Aimez-vous. »
Merci Emma, j'espère que nous nous recroiserons un de ces jours sinon bonne route quand tu auras ton camion.
A.