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Bonsoir à tous,

Me revoilà ! Après un été à déménager, faire des travaux, reprendre le boulot… bref, pas vraiment reposant ! J’ai repris le tramway et, sur ma pause déjeuner, j’ai interviewé un inconnu.
Vendredi dernier déjà, j’avais repris mon appareil photo avec moi, mais après deux refus matinaux, je n’ai pas eu l’énergie de continuer. Tant pis, j’ai mis mon casque et j’ai écouté de la musique — ce n’est pas si mal non plus !

Ah, petite parenthèse : j’ai été interviewé par un média nantais. Ça sortira bientôt, je vous en dirai plus quand j’en saurai davantage (haha). Et puis, j’ai lancé le travail sur un nouveau logo ! Enfin, je ne travaille pas dessus, mais j’ai fait appel à quelqu’un pour en créer un plus pro, qui change un peu. [Valentine, je réponds bientôt à ton mail… je ne sais pas si elle lira cette interview, mais dans le doute je passe mes messages ici ! D’ailleurs, si vous aussi vous voulez glisser des messages, envoyez-les-moi, on pourra peut-être en faire un truc sympa et drôle.]

Mais bref, revenons à mon inconnu du jour.


Nous sommes au terminus de la ligne 1. Je voulais voir les travaux terminés et me suis dit que ça ferait une chouette photo. En attendant, j’aperçois un homme qui arrive vers le terminus (pas vraiment vers moi, mais comme je suis sur le quai, on pourrait croire !). Il est 23h27, et je me trouve extrêmement drôle pour une heure pareille.

Je vous présente Thomas, 36 ans.

Thomas accepte l’interview sans hésiter, et ça fait plaisir.

Dans la vie, il est préparateur de commandes depuis un mois :

« Je suis en intérim, avec des contrats renouvelés à la journée ou à la semaine. À la base, je suis cariste, j’ai mes permis CACES 1a, 1b et 3 depuis deux ans et demi. J’aime ce milieu, parce qu’il faut être à la fois précis pour récupérer des palettes en hauteur et rapide. Mais je n’ai pas le permis voiture, et pour trouver des missions en logistique accessibles en transport en commun, c’est compliqué. »

Sur son parcours, Thomas me raconte :

« J’ai arrêté les cours en CAP vente. L’école, ce n’était pas pour moi : je ne tenais pas en place, j’avais besoin de bouger et de bosser. Du coup, j’ai arrêté et j’ai cherché du travail, mais sans diplôme ni qualifications, je n’ai pas trouvé grand-chose.
Après, j’ai fait une formation de plaquiste, mais je n’aimais pas : c’était trop dur physiquement. J’ai aussi été plongeur au CROUS, puis éboueur/ripeur à Pau, où je suis resté deux ans. Mais la famille me manquait, alors je suis revenu à Nantes. Et au bout d’un an, je me suis fait virer… pour trois retards de 5 minutes. J’en reviens toujours pas, mais bon, c’est comme ça. »

Peu à peu, Thomas me confie la précarité de sa situation :

« Je fais des journées de 6h30, même pas 35h par semaine, et ça se ressent sur la paie. Je touche le RSA, et c’est pas une vie, c’est de la survie. Là, je vais peut-être gagner 400-500 €, ça mettra un peu de beurre dans les épinards, mais ça reste compliqué de joindre les deux bouts.
Je n’ai même pas de quoi m’acheter un paquet de clopes, les courses coûtent cher, l’inflation je l’ai sentie passer. Et comme je suis intolérant au gluten, les produits coûtent encore plus cher : un paquet de gâteaux à 3 €, je ne peux pas me le permettre. »

Je sens combien Thomas est heureux de pouvoir parler. Il évoque aussi sa famille — huit enfants, il est le sixième — et son célibat :

« Oui, je suis seul. Mais de toute façon, je n’ai pas l’argent pour sortir, aller au ciné, rencontrer des gens. On dit que l’argent ne fait pas le bonheur, mais il ouvre quand même des portes… Nous, les personnes seules au RSA, on se sent rejetées, à l’écart de la société, alors on s’isole. On fait tout pour travailler, manger et se loger, mais ça s’arrête là. »

Un silence. Puis Thomas reprend :

« Tu as d’autres questions ? »

Alors je lui demande s’il a des passions.

« Oui, j’aime jouer au foot avec les copains. Je suis supporter du FC Nantes, même si on n’est pas très bons (rires). J’étais content pour le PSG en Ligue des Champions et pour Dembélé, avec son Ballon d’or. J’aime aussi écouter de la musique, je suis assez éclectique, sauf pour le hard rock que j’aime moins. »

Il ajoute :

« Je n’aime pas les injustices. Je suis quelqu’un de droit, alors ça m’énerve ! »

Enfin, je lui demande : « Es-tu heureux, là, maintenant ? »

« Je ne suis ni heureux, ni malheureux. Même si ce n’est pas simple, je reste optimiste. »

Le mot de la fin ?

« Je suis ravi de t’avoir rencontré. J’espère qu’on se recroisera. »
Yes, j’espère aussi.

Merci Thomas, et au plaisir de te croiser de nouveau dans le tramway… ou ailleurs. 

Ces rencontres me rappellent combien, derrière chaque visage croisé, il y a une histoire, parfois dure, souvent bouleversante, et qu’écouter ces récits nous ramène à la réalité de la vie.

 

 

A.

 

A propos d'Allan Touchais

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